mardi 27 mai 2008

Aramin Bassan - lettre ouverte au ministre de la Défense Ehud Barak

Honorable Général Ehud Barak, vous ne me connaissez pas personnellement. Je suis un chercheur de Paix, et je me bats de toutes mes forces et avec toutes mes capacités pour la réalisation d’une Paix juste qui apporterait le calme et la prospérité à la fois aux Palestiniens et aux Israéliens.

J’ai souffert personnellement de votre occupation criminelle et j’ai payé un lourd tribut. Tout d’abord, j’ai été emprisonné quand j’avais 17 ans et j’ai perdu sept ans de ma vie dans vos prisons barbares.

Ensuite, peut-être avez-vous lu ou entendu perler de ce qui est arrivé à la petite Abir Aramin ? C’est une fillette de 10 ans que vos soldats ont tuée avec une balle de caoutchouc à une distance de 15 pieds, le 16 janvier 2007 sous les yeux de sa sœur de 11 ans Areen.

En dépit de cela, moi, le père d’Abir – puisse-t-elle reposer en paix- je crois dans le droit du peuple Israélien, comme dans le droit de tous les peuples d’exister et de vivre dans la Paix et la sécurité. Alors, pourquoi ne croyez-vous pas dans nos droits à jouir de ces mêmes choses, Monsieur ?

Où était le caractère démocratique de votre Etat quand vos héroïques soldats tuaient ma fille sous les yeux de ses amis à l’entrée de son école à Anata ?

Où étaient vos idéaux démocratiques quand vous avez refermé l’enquête sur le meurtre d’Abir pour manque d’évidences suffisantes, et cela en dépit du fait que le crime était clair et avait été commis devant plus de dix témoins ?

Est-ce que Abir était réellement une menace pour vos soldats, Monsieur ?

Je garde en ma possession les armes avec lesquelles Abir menaçait ces soldats. J’ai entre les mains sont sac à dos d’écolière renforcé et armé bien sûr.. son stylo-plume qu’elle avait garni de cartouches d’attaque…son livre de Maths pour le cours où elle avait un contrôle ce jour-là qui bien sûr contenait des instructions détaillées sur le mode de fabrication d’armes chimiques . En plus de tout cela, elle avait une règle plate qui bien sûr aurait pu servir d’arme pour porter des coups à quelqu’un. Enfin, j’ai trouvé en sa possession deux carrés de chocolat qui peut-être contenaient un peu d’uranium enrichi et qui auraient probablement dévasté votre état si elle n’avait eu la tentation de les prendre dans sa main pour y goûter quelques secondes avant d’être tuée.

Là, je dois faire crédit à vos soldats de leur incroyable compétence pour rendre infirme et tuer avec une précision mortelle. La balle a touché Abir à exactement un centimètre de l’Hypothalamus, ce qui a provoqué un coma immédiat et elle est morte peu après, elle est partie demeurer auprès de Dieu, dispensée de vivre la douleur et d’avoir le cœur brisé par tout ce que nous venons d’exprimer.

Par conséquent Abir Aramin peut être ajoutée à la liste des grands succès et des exploits accomplis pour la sécurité au Nom de l’Etat d’Israël.

Mais je requiers de vous, Monsieur le Ministre et Général, puisque je suis le père de cette petite fille, au moins d’admettre une responsabilité dans ce meurtre ou dans sa cause. C’est votre devoir d’envoyer le soldat qui a tué Abir devant un tribunal afin qu’il soit traduit en justice et jugé comme meurtrier et criminel.

Je crois qu’il n’y a pas de solution militaire au conflit et quand ces lâches ont tué ma fille, j’ai annoncé que je ne cherchais pas de vengeance, je désire la justice même si la vengeance est plus facile. Le vrai combattant est celui qui choisit le chemin le plus difficile pour l’amour de la Paix car la vengeance est le chemin des couards.

Monsieur, le peuple Palestinien ne pourra pas toujours payer le prix de la peur et de la méfiance du peuple Israélien. Libérez mon peuple de cette occupation abominable afin que votre peuple puisse vivre et être libéré de la peur.

Depuis soixante ans, le peuple Palestinien a payé le prix de l’occupation militaire Israélienne, une occupation qui, en célébration de la création de l’Etat d’Israël, provoque des actes d’antagonisme illégaux où le sang de combattants Palestiniens, de femmes, d’enfants de vieillards est répandu indistinctement.

C’est l’ensemble des civils Palestiniens qui fournit la cible à votre machine de guerre qui ne protège pas les plus faibles des plus forts. Notre peuple doit faire face au même meurtrier depuis Gaza en 1956 et la série sans fin continue.

Je ne vais pas vous rappeler les massacres commis par votre gouvernement contre mon peuple, vous les connaissez bien mieux que moi. J’ai lu à leur propos, j’ai entendu à leur propos, mais vous, vous y avez pris part.

La question que je vous pose, à la lumière de votre riche expérience militaire et comme à quelqu’un qui a lui-même vu depuis 60 ans le conflit perdurer, quand est-ce que Israël aura la force de terminer ce conflit militairement et de réaliser une victoire complète sur le peuple Palestinien ? Continuez-vous à penser que ce qui n’a pas pu être réalisé par la puissance pourra être réalisé avec encore plus de puissance ? Est-ce que l’occupation cache dans son sac encore d’autres méthodes de tuer que les Palestiniens n’ont pas eu encore le malheur d’expérimenter ?

Si c’est le cas, ce serait peut-être une bonne idée pour le gouvernement Israélien de les essayer et de les utiliser. Et peut-être seront-elles capables d’accomplir cette complète victoire tant désirée pendant encore soixante ans.

Monsieur, quand comprendrez-vous enfin que le conflit entre nous ne peut pas être terminé par une armée ? Car en dépit de tout l’orgueilleux effort d’occupation, elle n’empêchera pas nos enfants de lancer des pierres sur vos soldats de l’occupation. Comment pourriez-vous être capable d’arrêter la révolte Palestinienne ? C’est un rêve qui ne sera jamais réalisé, même dans 1000 ans. Pourquoi ne dites-vous pas la vérité aux habitants de Sdérot et d’Ashkélon, qu’il n’y a pas de solution qui arrêtera les Quassams qui tombent sur eux depuis un Gaza détruit et assiégé s’il n’y a pas de fin à l’occupation ?

C’est la vérité que vous avez occultée depuis longtemps.

Croyez-moi, Monsieur, vous ne gagnerez rien en continuant à emprisonner des gens. Plus de 750 000 Palestiniens ont été détenus depuis 1967 jusqu’à aujourd’hui. Quel résultat a été apporté sinon une détermination accrue de notre part de confrontation et de résistance ?

La politique d’occupation ne fait que susciter de plus en plus de personnes qui se dressent pour combattre l’occupation et refuser d’en accepter le fardeau. Les Palestiniens qui croupissent dans vos prisons sont parmi les plus érudits et les plus cultivés de notre peuple, ils sont les plus sensibles et les plus humanistes. Ils ont été élevés dans une tradition de démocratie et de liberté et c’est pour cette raison qu’ils n’accepteront jamais l’occupation et l’assujettissement. Ce sont des hommes et des femmes qui se battent pour la Paix et si vous voulez arriver à la Paix, alors, vous n’aurez pas d’autre choix que de libérer en premier lieu ces soldats de la Paix.

Quel a été le réel bénéfice de votre stratégie de démolition de maisons, de déracinement d’arbres, de confiscation de la terre pour des raisons fallacieuses afin d’établir ensuite des colonies illégales sur ces mêmes terres ? En quoi cela vous a-t-il servi d’établir des check-points hideux à chaque coin de chaque route de la Cisjordanie et de Gaza et à chaque carrefour, dans le but d’humilier les habitants de ces contrées avec parmi eux des travailleurs, des étudiants et des responsables politiques ? Quelle est la logique de tout cela Monsieur ?

Quand les balles assoiffées de sang de vos soldats seront-elles assouvies du sang de nos enfants ? Quand serez-vous rassasiés de notre sang déjà répandu et quand nous laisserez –vous enfin tranquilles ? Quand laisserez-vous notre terre et notre ciel ? Ne voyez-vous pas les casques sur lesquels vos soldats écrivent : « Je suis né pour tuer », Ne voyez-vous pas vos braves militaires tuant chaque jour des enfants ? Comment pouvez-vous décider d’empêcher les habitants de Gaza d’acheter du gaz pour cuisiner et au même moment leur envoyer des gaz lacrymogènes des chars et des avions de combat ?

C’est seulement maintenant que je comprends le choix d’une femme Israélienne rencontrée en Italie - ma collègue Eidan avec laquelle nous avons participé à une marche pour la Paix de Pérouse à Assise comme représentants des « Combattants pour la Paix ». Quand je lui ai demandé : « Tu ne projettes pas de rentrer en Israël », elle m’a répondu : « J’ai juré que si Ehud Barak gagnait les élections je quitterais Israël pour toujours. » Elle continue à vivre là-bas parce que vous suivez une politique qui ne reconnaît pas de partenaire Palestinien.

Je ne peux même pas commencer à exprimer dans cette courte lettre les fautes morales qui nuisent à la société Israélienne. Le journal « Yediot Ahronot » dit que 40% des nouvelles recrues de l’armée Israélienne ont un casier judiciaire et qu’il faudra longtemps pour expliquer la longue liste des exactions contre des civils Palestiniens qu’ils ont commises pendant leur service. IDF est censée être distinguée comme l’armée la plus morale du monde entier, non ? Est-ce pour cela que nous voyons que 25% des soldats de l’armée d’occupation prennent part à des actes de torture, de punition envers des civils innocents ou bien sont témoins de tels actes ?

Monsieur, je veux vous rapporter que j’ai lu ce rapport honteux qui horrifierait n’importe quel homme de conscience, il parle de la torture des enfants d’Hébron. Et cela : la strangulation d’enfants Palestiniens par des soldats pour tester combien de temps ils peuvent rester sans respirer, actes qui ont été commis par des capitaines de votre armée, l’armée la plus morale du monde, c’est la couronne de la honte sur le front de l’occupation.

Monsieur, comment justifiez-vous votre utilisation par des soldats d’enfants de dix ans comme boucliers personnels qu’ils attachent en avant de leurs patrouilles quand ils sont en quête de personnes recherchées ou veulent casser une manifestation ? Où les lois internationales permettent-elles cela ? Je suis en train d’essayer de comprendre si cet usage des enfants comme boucliers humains est de quelque façon que ce soit liée à la science de la guerre moderne car l’accusation que j’entends dans toutes les instances pour couvrir le meurtre des enfants en particulier et le meurtre de citoyens Palestiniens en général, est que les combattants Palestiniens utilisent des civils comme boucliers humains pour se cacher derrière. Comment peut-il y avoir une justification légale et une distinction même dans la terminologie Israélienne, mais pas dans la terminologie internationale entre Israéliens et Palestiniens ?

Comment pouvez-vous justifier la mort de ces innocents qui tentent simplement de passer pacifiquement les check-points que vos soldats dressent à toutes les entrées de villages , de bourg ou de camps en empêchant les femmes enceintes d’aller vers les hôpitaux pour accoucher ? Accepteriez-vous que cela arrive à votre femme ? Que feriez-vous alors ? En dépit de cela, il y a des militaires, des soldats Israéliens qui se sont battus contre les Palestiniens et qui, au moment de vérité on pris conscience qu’ils n’étaient rien de plus que des pions entre les mains de l’occupation. Ils ont eu le courage et la valeur d’annoncer unanimement qu’ils refusaient d’être des occupants. Ils ont exposé les mensonges de leurs dirigeants qui clament qu’Israël a les mains tendues pour la Paix mais qu’il n’y a aucun partenaire du côté Palestinien. Ils découvrent qu’ils n’ont jamais vraiment rencontré de combattant Palestinien face à face au combat et cela bien que leur travail quotidien ait été de pourchasser des écoliers, de renforcer des barrières, de détruire des maisons, de dresser des check-points et des barricades pour arrêter des enfants qui n’ont pas même treize ans.

Ils ont pris une courageuse position morale et sans aucune difficulté, ils ont trouvé eux-mêmes un partenaire Palestinien au cœur même du mouvement Palestinien, des gens qui ont gaspillé l’élan de leur jeunesse dans les geôles de votre occupation.

Ensemble, ils ont fondé le mouvement des « Combattants pour la Paix ». Le nom lui-même met en lumière la fausseté des promesses et de la politique qui dit qu’il n’y a pas de partenaire en face. Cette organisation, unie par le courage et la conscience morale, est composée de personnes des deux camps qui ont compris qu’il y a un seul ennemi commun qui dissimule le chemin de la réalisation de la Paix et de la vie ensemble en tant que deux Nations. Cet ennemi est l’occupation illégale et immorale par Israël. Je suis un membre de cette organisation et j’appelle tous ceux qui recherchent une vraie Paix à nous rejoindre.

Nous disons à nos peuples la vérité et rien que la vérité. Nous sommes engagés dans la résistance non- violente à l’occupation, et j’en appelle ici à tout le peuple de notre Nation Palestinienne qui a écrit les pages de son histoire comme un exemple de résilience et qui a eu l’humanité de résister à des décennies d’abus et d’occupation avec la plus pure fermeté.

J’en appelle aussi au peuple Israélien pour qu’il accepte sa responsabilité morale et historique dans l’établissement de ces deux états ensemble et pour une « intifada » nationale humaine et pacifique, un soulèvement contre l’occupation injuste qui a transformé vos enfants en criminels de guerre et en d’abjects meurtriers. Vous, les Israéliens, arrêtez d’envoyer vos soldats, vos fils, tuer nos enfants parce que le sang de nos enfants et le sang de tous les Palestiniens innocents va mener vos soldats et les généraux de votre armée en jugement devant les tribunaux internationaux comme tous les autres criminels de guerre du monde. Vous devez apprendre cette leçon. L’honorable Général sait sans doute que la majorité des capitaines et des généraux Israéliens sont interdits d’entrer dans nombre de pays Européens car ils seraient recherchés comme criminels de guerre et pour crimes contre l’humanité.

Un dernier mot : le sang d’Abir Aramin demeurera comme une couronne noire sur le front de chaque Israélien, de chaque juif dans le monde jusqu’à ce que son meurtrier soit traduit en justice et passe le reste des jours de sa vie en prison parmi les meurtriers et les criminels.

Bassam ARAMIN

Co-fondateur des « Combattants pour la Paix »